Si Nietzsche prône l'égoïsme, contre l'altruisme et le désintéressement qualifiées négativement comme l'expression d'une morale abstraite et inconsistante, coupée de la Vie, il faut insérer cet égoïsme dans la perspective vitaliste de notre penseur où le Moi est dépourvu de toute réalité unitaire... Inclus dans le grand tout organique de la Nature, avec laquelle il fusionne en tant qu'émanation de l'énergie primordiale de l'Etant, Soi dépasse infiniment la clôture du Moi. Clôture apparente, car le Moi conscient a perdu toute réalité distinctive, se liquéfiant dans une identité océanique plus vaste qui le dépasse et qui l'enveloppe, car elle le traverse. Le Moi est "introuvable": "L'égoïsme ne peut en effet être la défense d'un Ego, celui-ci étant introuvable, ni la défense d'un intérêt personnel, la personne n'étant qu'une fiction et n'existant que d'une manière pluralisée, dans l'éclatement de multiples pulsions aux relations complexes (entente, pluralité, hostilité),qui le constituent et définissent des séries d'intérêts tout aussi multiples et tout aussi divergentes. Peut-on donc penser un égoïsme sans Ego?" (P. Wotling,La Philosophie de l'esprit libre. Introduction à Nietzsche, op.cit.,  p.278)